L’euro à parité avec le dollar: quelles conséquences ?
Un euro pour un dollar: la monnaie européenne a touché mardi la parité avec le billet vert pour la première fois en près de vingt ans. Quelles sont les conséquences concrètes de cette dépréciation?
Sur l’inflation et le pouvoir d’achat des ménages
Près de la moitié des produits importés dans la zone euro sont facturés en dollars contre moins de 40% en euros, selon l’office européen des statistiques Eurostat.
C’est par exemple le cas de beaucoup de matières premières, à commencer par le pétrole et le gaz, dont les cours ont déjà grimpé ces derniers mois dans le contexte de la guerre en Ukraine.
Mais avec la dépréciation de la monnaie européenne, il faut davantage d’euros pour acheter les produits importés en dollars. “Les produits importés perdent en compétitivité (…) et sont donc plus chers”, indique Isabelle Méjean, professeure à Sciences Po. Cela contribue à accélérer l’inflation et menace le pouvoir d’achat des ménages.
Accessoirement, la dépréciation de l’euro par rapport au dollar va “clairement freiner le tourisme des Européens surtout aux États-Unis”, prévient William De Vijlder, économiste de BNP Paribas: comme ils ont besoin de davantage d’euros pour acquitter la même somme en dollars, la facture de leur séjour augmente aux États-Unis ainsi que dans les pays dont la monnaie est arrimée au dollar (Qatar, Jordanie…).
A contrario, les touristes américains mais aussi qataris ou jordaniens gagnent au change: lors de leurs séjours en zone euro, ils peuvent consommer plus avec la même somme de dollars.
Sur les entreprises
L’effet de la baisse de l’euro varie selon la dépendance des entreprises au commerce extérieur et à l’énergie.
“Les entreprises qui exportent hors de la zone euro bénéficient de la dépréciation de l’euro car leurs prix sont plus compétitifs (une fois convertis en dollars NDLR), tandis que les entreprises qui importent se retrouvent pénalisées”, résume Philippe Mutricy, directeur des études de la banque publique Bpifrance.
En revanche, pour les entreprises dépendantes des matières premières et de l’énergie et qui exportent peu, comme les artisans locaux, les coûts explosent.
La grande gagnante de la baisse de l’euro est l’industrie manufacturière qui exporte ses produits à l’étranger, notamment l’aéronautique, l’automobile, le luxe ou la chimie.
Et les grands groupes sont “mieux préparés aux chocs” car ils bénéficient d’un mécanisme de couverture qui permet d’atténuer la fluctuation des cours de devises, souligne Philippe Mutricy. “Ils achètent des devises à l’avance à un cours intéressant qui protège des variations de cours”.
Sur la croissance et la dette
Théoriquement, la dépréciation de l’euro rend les prix plus compétitifs hors zone euro et stimule donc les exportations des biens et des services européens vers l’étranger.
Cela pourrait amortir l’impact sur la croissance de la hausse des prix des matières premières dans le sillage de la guerre en Ukraine, surtout dans les pays dont l’économie est tirée par l’export, comme l’Allemagne.
Pour le remboursement de la dette des pays européens, l’impact est moins évident.
Davantage de croissance peut “faciliter le remboursement de la dette”, explique Isabelle Méjean, professeure à Sciences Po Paris, sous réserve que les marchés considèrent la dette européenne comme suffisamment sûre et que les taux d’intérêt restent bas.
Mais pour les États qui ont émis des obligations libellées en dollars, une dépréciation de l’euro par rapport au dollar augmente le coût du remboursement.
Pour les banquiers centraux
La dépréciation de l’euro, en accélérant l’inflation, peut inciter la Banque centrale européenne (BCE) à relever plus vite ses taux d’intérêts. Elle se prépare à les remonter en juillet pour la première fois depuis onze ans.
“On peut dire que la BCE ne devrait pas réagir au renchérissement des matières premières, mais son défi de regagner le contrôle sur l’inflation devient encore plus grand car le prix des importations augmente à cause de l’augmentation du taux de change”, souligne William De Vijlder.
La Banque de France estimait aussi fin mai que la faiblesse de l’euro pourrait compliquer les efforts de la BCE pour maîtriser l’inflation.