ASC Diambars : Les actes d’une saison dans l’enfer
Deuxième du Championnat la saison dernière, Diambars vit actuellement une passe très compliquée et ne se quitte plus avec la dernière place. Mais comment le club académicien en est-il arrivé là ? Tentative de réponse avec un des hommes clé de l’équipe.
Dans le Championnat sénégalais, les reports de journées(s) sont nombreux et donc les saisons sont tellement longues qu’on dirait, parfois, qu’elles s’étendent sur plusieurs années pour l’ensemble des clubs qui le composent. Aussi, les niveaux des équipes sont tellement proches qu’il est impossible de faire un pronostic sur ce qui pourrait se passer. Pas difficile d’imaginer, par exemple, que le 15 juillet 2023, avant un duel face à Génération Foot lors de la 24e journée, l’ASC Diambars pointait à la deuxième place du classement avec des chances de remporter son deuxième titre de champion du Sénégal. Quelques mois plus tard, c’est une équipe en souffrance depuis fin octobre qui occupe la place de lanterne rouge après son dix-huitième match de la saison version 2023-2024.
Diambars s’est encore déplumé
D’une part, c’est une surprise pour le club académicien qui nous a habitué à jouer les premiers rôles depuis son retour parmi l’élite lors de la saison 2019-2020. D’autre part, en revanche, c’est moins surprenant de voir Diambars à cette place. Tout aurait pu être différent, certes, avec un brin d’efficacité et une victoire contre l’AS Pikine ce mercredi, ou même avec ses supporters présents dans les gradins à chaque rencontre à domicile. Ou même avec une ossature conservée dans l’effectif. Parce que plus perdant de joueurs cadres que Diambars n’existe pas en Ligue 1 cette saison. Fidèle à sa réputation, le club de Saly a envoyé plusieurs joueurs à l’étranger. De quoi devoir batailler avec l’effectif le plus jeune parmi les quatorze formations du Championnat cette saison.
« La première raison est qu’on a perdu 21 joueurs depuis un an, confie l’entraîneur Bruno Rohart, joint par notre rédaction. On a perdu un effectif quasi complet. On a vendu beaucoup. On savait que ça allait être difficile, mais on ne s’attendait pas à faire partir autant de joueurs. C’est une énorme réussite, parce que l’objectif numéro un de Diambars est d’envoyer des jeunes joueurs à l’étranger. On a perdu Idrissa Ndiaye qui était notre garant notre meilleur joueur, la pierre angulaire de notre projet de jeu (…). Pour simple exemple, ce mercredi contre l’AS Pikine, on a joué avec cinq U17 titulaires, avec une équipe de 18 ans de moyenne d’âge. C’est extrêmement difficile pour les jeunes. Mais quand on voit le match qu’on a fait, c’est encourageant parce qu’on a dominé Pikine du début à la fin. C’était un match qu’on devait gagner. On est peu efficace. Les jeunes ont besoin de temps, mais on n’a pas beaucoup de temps. On le savait, c’est comme ça la vie d’une académie. »
La Fédération, l’autre grand responsable
Parce que le football, c’est aussi des émotions. Même si les deux victoires et les 10 points sur 14 de Diambars cette saison ont été glanés à «domicile», les joueurs de Bruno Rohart souffrent incontestablement de la décision de la Fédération Sénégalaise de Football de faire jouer à Diambars, comme à Génération Foot d’ailleurs, ses rencontres à domicile au Stade Lat-Dior de Thiès. C’est donc loin de ses bases et toujours sans ses supporters que le champion du Sénégal en 2013, alors deuxième meilleure équipe à domicile la saison dernière, doit se coltiner à toutes ses rencontres. De quoi fustiger encore plus la décision de l’instance dirigée par Augustin Senghor, en l’occurrence la Fédération Sénégalaise de Football (FSF).
« Évidemment, c’est difficile, estime un Bruno Rohart sans aucun détour. La preuve, on a gagné 11 matchs sur 13 à domicile lors de la saison dernière. Cette saison, on a un nouveau synthétique qui est sans doute le plus beau du Sénégal, mais on nous interdit de jouer chez nous alors qu’on a de très beaux vestiaires et un terrain magnifique. On préfère nous envoyer au Stade Lat-Dior, faire des kilomètres et jouer tous nos matchs à l’extérieur. C’est négatif et dur pour nos joueurs. Personne ne vient au stade. Pourtant, l’année dernière, on commençait à avoir une vraie ambiance à domicile. Mais la Fédération et la Ligue 1 ont tout cassé pour nous mettre en difficulté. Ils ont réussi à le faire. Moi, encore une fois, je trouve que c’est contre le développement du football sénégalais. C’est anti-sportif. Même nos adversaires nous disent qu’ils préfèrent jouer dans un bon synthétique à Diambars. C’est une décision qui est inadmissible. Mais je sais qu’il y a bien d’autres choses derrière. Et on est dans le même cas que génération foot qui, pour moi, a le meilleur terrain et les meilleures installations du Sénégal. C’est le football local du Sénégal, et il n’y a rien de plus à ajouter. Mais, encore une fois, ces gens-là ne sont pas dans le développement du football au Sénégal. C’est aussi simple que ça. On est allé jouer à Kolda la semaine dernière, et c’est scandaleux de jouer sur des installations pareilles, sur un synthétique pourri. Je n’ai pas peur de le dire. La fédération a obtenu ce qu’elle voulait, puisque Diambars est actuellement dernier et Génération Foot première non relégable. »
« La priorité est ailleurs »
Les mots sont durs et ça peut se comprendre. Toutefois, la réalité plus immédiate ramène Diambars à son objectif pour la fin de saison qui n’est autre que le maintien. A huit journées de la fin, cette course se dessine entre quatre équipes. Avec 14 points, Diambars est lanterne rouge et est devancé de justesse par le Jamono de Fatick, le Stade de Mbour et Génération Foot. Les points qui séparent Diambars des places non relégables ne sont pas nombreux mais avec un tel rythme emprunté depuis le début de l’exercice, l’hypothèse d’une deuxième descente en Ligue 2, la première depuis la saison 2017-2018, peut effectivement être évoquée. Et c’est ce qui fait peur.
« On peut se poser des questions. Quand on est dernier à huit matchs de la fin, il est clair qu’on a des chances d’être relégués. C’est mathématique. Mais pour l’instant, on n’est pas dans les clous, on sait qu’on ne gagne pas des matchs et si on ne gagne pas ce sera difficile. Les jeunes n’ont pas l’habitude d’avoir une telle pression. On sait tous que ça va être difficile », poursuit Bruno Rohart. Toutefois, l’ancien technicien du Dakar Sacré-Cœur ne met pas totalement le focus sur ce qui pourrait se passer dans le Championnat d’ici la fin de saison. « On travaille toujours, et on développe nos jeunes. C’est vrai qu’actuellement ce n’est pas terrible au niveau comptable, mais on continue. Malgré notre position, on vient de faire partir quatre joueurs à l’étranger. Ça veut dire que la priorité est ailleurs. Les gens ne comprennent pas peut-être ça mais il faut le savoir. Si on avait gardé notre effectif complet, la saison dernière, on aurait été champions du Sénégal. On reste dans notre ligne de conduite. La différence c’est qu’on avait une équipe très expérimentée l’année dernière. Alors que cette année on a une équipe très très jeune. On est conscient de la situation, mais on va tout faire pour s’en sortir. »
Mais comment sortir d’un tel marasme et s’éviter la Ligue 2 ? « Contre Pikine, par exemple, on sait exactement ce qu’il nous a manqué : efficacité, explique un Rohart qui ne s’inquiète pas pour son avenir. C’était aussi le cas contre le Casa Sports et durant d’autres rencontres comme contre l’US Gorée. On avait fait un bon match contre le Jaraaf, Malick Daf me l’a même confié. On perd 1-0 contre le Casa Sports, à Kolda, dans des conditions absolument atroces. On était à 5/6 occasions nettes contre l’AS Pikine mais on fait 0-0. Je pense que c’est uniquement l’efficacité qu’il nous manque. Contre l’AS Pikine, on n’a pas pris un but depuis très longtemps. C’est plutôt positif, mais on n’a pas marqué. On sait qu’on doit travailler dessus. On est satisfait du contenu, mais maintenant il faut marquer des buts et ne pas en encaisser, c’est aussi simple que ça. Notre problème c’est juste de marquer un but plus que l’adversaire. C’est moins facile à faire, mais on le sait. On va continuer à travailler dur pour vendre des joueurs et aller chercher le maintien. On ne va rien lâcher. » Et c’est de ça qu’il s’agit.
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