Nicolas Jackson raconté par ses proches : « Le rythme était tellement élevé qu’il a pleuré à la fin de la séance et a failli abandonner… »
Même s’il est désormais attendu pour briller dans le Royaume britannique, après avoir été une des révélations dans le royaume d’Espagne, Nicolas Jackson a d’abord été adulé dans le royaume du sud du Sénégal en faisant preuve de résilience, de résistance et de confiance en soi pour tenir et rebondir face aux critiques et aux remarques. Neymar Junior pour les plus intimes est là, raconté par ses proches et anciens coéquipiers.
Sorti de nulle part…
De la joie mitigée d’une première sélection « ratée » lors d’un match de Coupe du Monde, du désarroi d’un transfert avorté à Bournemouth (une équipe qui luttait pour son maintien en Premier League), à cause d’une blessure qui va l’éloigner près de deux mois des pelouses, l’attaquant de 22 ans est passé à un titre de meilleur joueur du mois en Liga et à deux matches en équipe nationale remarquables pour une passe décisive face au Bénin et un penalty provoqué contre le Brésil.
La saison 2022/2023 restera sans doute l’étape la plus importante à retenir dans la carrière de Nicolas Jackson (12 buts et 4 passes décisives en Liga). Pas du tout programmé en début d’exercice pour jouer un rôle majeur dans l’une des équipes phares de la Liga, Villarreal, le natif de Banjul va vivre une saison pleine de rebondissements et de rugissements avant d’être récompensé par un transfert, le 1er juillet dernier à Chelsea Football Club pour un montant de 30 millions d’euros. Quelques jours avant, Nicolas Jackson revenait sur les terres qui l’ont vu comme faire ses premières gammes de footballeur. Le vendredi 30 juin, une rencontre entre une sélection de ses anciens coéquipiers de l’ASC Tilene et des actuels joueurs de l’ASC est organisé en son honneur. L’engouement est de mise. A la hauteur de l’espoir placé en ce fils du terroir.
« …son accoutrement ne donnait pas l’air d’un joueur de football »
Tout a démarré sur les terrains sablonneux, en latérite et caillouteux de Tilene et du CEMT de Ziguinchor. Saison hivernal 2017, l’ASC Tilene entame sa préparation pour les Navetanes. Attendu comme toujours pour jouer les premiers rôles, les joueurs s’adonnent aux entrainements dans un sérieux assumé. En cette matinée pluvieuse, quelques joueurs sont déjà sur place et tapent sur le ballon en petits groupes, un jeune homme frêle, pas l’air assuré, franchit le seuil de la porte du terrain de CEMT, accompagné d’un homme qui parait plus âgé. L’homme le présente au capitaine de l’équipe et dit qu’il veut intégrer le groupe. « Nous n’étions pas nombreux parce qu’il pleuvait. On était en jeu réduit et on sentait déjà qu’il avait un bon bagage technique. Mais on voyait qu’il manquait d’entrainement et son accoutrement ne donnait pas l’air d’un joueur de football (rires) », déclare Raymond Manga, son ancien coéquipier à l’ASC Tilene. Natif de Banjul, capitale de la Gambie, située à un peu plus de 200 kilomètres de Ziguinchor, Nicolas rejoint la région du sud et réside au quartier Tilene. L’un des quartiers les plus populaires de la ville. Son rêve de devenir footballeur professionnel est son principal leitmotiv. « A son arrivée au Sénégal, il avait déjà abandonné les études et avait pour objectif de jouer au football. Au début, personne ne croyait en lui, il était du genre nonchalant », affirme Aliou Badji, son ancien mentor au Casa Sports.
Nicolas laisse la place à Neymar
Les jours d’entrainements se multiplient et le timide Nicolas met petit à petit son monde d’accord. Le début des Navetanes approche. L’ASC Tilene décroche des matches de préparation. Le premier d’entre eux est contre l’ASC Stella (ancien vainqueur des phases nationales et club mythique de Ziguinchor). « On a senti en 15 minutes sa palette technique au-dessus de la moyenne » se souvient Aliou Badji. « Lors du match amical, il a confirmé son talent en moins de 20 minutes, on a su que c’est un crack », se rappelle Raymond. Tous ses coéquipiers se souviennent de ce match comme celui de la naissance du phénomène. « C’est après ce match qu’est né le surnom Neymar Junior. Ils le décrivent comme étant un joueur technique, dribbleur, provocateur et « showman », comme le numéro 10 brésilien du Paris Saint-Germain. Durant cette saison, l’ASC Tilene (séniors) surclasse ses adversaires tant au niveau départemental que régional grâce à leur Neymar. « Il était notre meilleur joueur, on dépendait de lui, c’est lui qui créait les occasions de but et provoquait les coups-francs et penaltys », se félicite Charles Insali, coéquipier à Tilene et actuellement joueur en D1 Bissau-Guinéenne. Nicolas permet à son équipe de remporter la phase départementale et régionale. « Lui et moi étions les deux dynamiteurs sur les côtés. Il jouait sur le côté gauche car il aimait repiquer dans l’axe. Il était spécial », affirme Topinho. Raymond rappelle qu’il a fini meilleur joueur de la zone. Il devient le joueur à suivre, la nouvelle coqueluche de Tilene et de la ville de Ziguinchor.
Tout n’est pas au vert au Casa
Deux saisons durant, Nicolas fait les bonheurs des habitants de Tilene. Ces derniers lui donnent tout l’amour qu’il mérite. « C’est vrai qu’au début, il a eu besoin d’un temps d’adaptation car c’est un gars timide mais dans ce quartier, tout le monde trouve sa place car on se considère tous comme des frères et sœurs », ajoute Topinho. Après avoir ses preuves dans les Navetanes, une étape supérieure s’offre à lui : le Casa Sport.
A l’été 2019, Nicolas Jackson est l’une des recrues du club fanion de la Casamance sous les ordres de Badara Sarr. Les débuts sont difficiles. Les exigences du haut niveau et les attentes des supporters semblent peser sur les épaules de Jackson. Selon son ancien mentor, on entendait partout, « Neymar nieuw na Casa ! Neymar nieuw na Casa ! (Neymar est venu au Casa) ». Le jeune attaquant faisait apparaître des déchets et multipliait les pertes de balle en match qui handicapaient son équipe. Mais il ne se décourageait pas et continuer à travailler. « Nicolas écoutait tout le monde et respectait tout le monde. Même s’il faisait ses bêtises et nous faisait perdre à cause de ses erreurs (rires), il acceptait les réprimandes et rectifiait car il voulait réussir », se rappelle Bonaventure Mankabo, ancien coéquipier au Casa Sport. Sa capacité d’écoute et son désir de réussir dans le haut niveau le poussaient à se rapprocher de ses aînés au club. C’est le cas de Pierre Nzalé, son ancien camarade de chambre. « Il venait tout le temps vers moi et me demandait ce qui était bon et ce qui était mauvais. C’est ainsi que j’ai compris que s’il avait quelqu’un pour l’accompagner et le guider, il irait très loin », explique l’ancien joueur du Casa, actuellement à l’ASC Saloum de Kaolack. Au fur et à mesure de la saison, malgré quelques blessures, Nicolas va monter en puissance et devenir un des atouts majeurs du jeu offensif du coach Badara Sarr, aux côtés de Youssouph Badji (Charleroi SC ; Belgique) et Mamadou Lamine Danfa (KF Shkupi ; Macédoine). Il va obtenir sa première sélection en U20. C’est au courant de cette saison 2019/2020 que le jeune Nicolas va s’envoler pour Villarreal effectuer des tests. Il sera recruté par le club. Après quelques mois dans l’équipe B, Jackson va rejoindre Mirandés CD (D2 Espagnol) en prêt. Il va jouer son premier match sous le maillot du sous-marin jaune, le 3 octobre 2021 face au Real Bétis (victoire 2-0).
« Il aime les débats et déteste être dominé, c’est son principal défaut… »
Son ascension fulgurante ne surprend pas ses anciens coéquipiers. « Je ne suis pas surpris parce qu’il a toujours rêvé de jouer au haut niveau. Il croyait en son talent », déclare Dagarou, ancien coéquipier à Tilene. Ces derniers le décrivent comme un jeune qui a cru en son étoile. Mais derrière cet acharnement au travail et cette envie sans faille de réussir, se cache un Nicolas qui a failli fuir après les premières heures dans le monde professionnel. Bonaventure Mankabo se rappelle de son premier jour d’entrainement au Casa Sport. « Le rythme était tellement élevé qu’il a pleuré à la fin de la séance et a failli abandonner disant qu’il ne connaissait pas et ne surmontait pas cette intensité. Le coach lui a dit d’arrêter de se lamenter et qu’il s’entrainera quoi qu’il en soit (rires) », rigole-t-il. Ce fan de Neymar n’a pas que les talents footballistiques de son idole, il se faisait remarquer aussi par les nombreuses fois où il se faisait faucher en pleine course ou en plein dribble. « Il avait l’habitude de subir beaucoup de tacles, ce qui est normal vu son jeu basé sur la provocation. Mais à chaque fois qu’on lui en faisait un, il répétait une injure en wolof pas très méchant qui faisait rire tout le monde à cause de l’accent gambien. Les gars faisaient exprès de le mettre au sol juste pour l’entendre dire ce mot (rires) », affirme son ancien capitaine. Son désir de gagner à tout prix et sa rage de victoire fait de lui un grand débatteur. « Il aime les débats et déteste être dominé, c’est son principal défaut », ajoute-t-il. Passionné de Basketball et de Musique Reggae, Nicolas est décrit comme étant un gars très comique. « La photo de Patin (comédien sénégalais) qu’il met à chaque post, c’est parce que c’est son humoriste préféré. Il est tellement drôle », déclare Charles Insali.
Ses amis, anciens coéquipiers et dirigeants sont tous unanimes sur le fait que son succès n’a en rien changé la personne reconnaissante qu’elle est, en témoigne le match de gala organisé et les jeux de maillots offerts à ses anciennes équipes à Ziguinchor.
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