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Ousmane Diouf (Al Hilal) : « Le championnat sénégalais regorge de talents, mais manque de moyens »

Ousmane Diouf, international sénégalais et vainqueur du CHAN avec l’équipe locale sous les ordres de Pape Thiaw, poursuit son ascension sur la scène africaine. Actuellement joueur d’Al Hilal du Soudan, il revient sur son parcours, son expérience en championnat mauritanien, les défis liés à la guerre au Soudan et ses ambitions en Ligue des champions africaine. Dans cet entretien avec Wiwsport, l’ancien joueur de Teungueth partage également son regard sur le football sénégalais et les performances du Jaraaf en Coupe CAF.

Entretien (première partie) !

Qu’est-ce qui explique votre présence au Sénégal en pleine saison ?

Nous sommes actuellement en trêve, car nous disputons le championnat de Mauritanie pour maintenir notre niveau en vue de la Ligue des champions africaine. Nous avons terminé premiers et attendons désormais le tirage au sort. Avec le report du championnat, nous bénéficions de 15 jours de repos, ce qui explique ma présence au Sénégal en ce moment.

Quelles sont les raisons expliquant pourquoi Al Hilal joue dans le championnat mauritanien ?

Depuis deux ans, le pays est en guerre et manque de stabilité. Al Hilal, étant un club habitué aux compétitions africaines et jouant les premiers rôles, a rencontré des difficultés de rythme ces dernières saisons. Pour y remédier, le staff a décidé d’intégrer un championnat africain. Des demandes ont été déposées dans plusieurs pays, notamment en Tanzanie, au Rwanda et en Tunisie, mais c’est finalement la Mauritanie qui a accepté.

Comment trouvez-vous le championnat mauritanien ?

Je pense qu’il y a du jeu, et avec notre arrivée, nous apportons plus de visibilité au championnat. C’est un échange bénéfique, car eux aussi en tirent avantage.

Quelle est votre appréciation de votre saison jusqu’à présent ?

Je suis satisfait de ma saison. Comparée à la précédente, cette année, nous sommes dans une bonne dynamique et avons clairement progressé. Lors des deux dernières éditions des compétitions africaines, nous avons été éliminés dès le premier tour, alors que cette fois-ci, nous avons atteint les quarts de finale. Nous avons gagné en maturité et en expérience, ce qui est une bonne chose, même en vue de l’équipe nationale.

Vous avez participé aux championnats du Sénégal, du Soudan et de la Mauritanie. Quelle comparaison en faites-vous ?

(Rires) Pour être honnête, chaque championnat a ses spécificités. Ce n’est pas comparable. Au Soudan, par exemple, le jeu est très physique et intense. Les équipes investissent dans des joueurs de haut niveau, et nos adversaires sont composés de joueurs de diverses nationalités. Notre rival va même jusqu’à recruter des Brésiliens, ce qui montre à quel point le championnat est relevé. En Mauritanie, c’est un peu le même principe. Il y a du jeu, les équipes pratiquent un beau football. Même si elles ne vont pas très loin en compétitions africaines, elles progressent et commencent à se faire une place. Cela se reflète d’ailleurs sur l’équipe nationale mauritanienne, qui gagne en visibilité dans le football sous-régional. Quant au Sénégal, tout le monde sait que c’est un pays de football. Si l’on regarde ces trois dernières années, le nombre de talents révélés est impressionnant. Il suffit de voir l’équipe nationale : nous sommes véritablement une terre de football. Maintenant, pour que le championnat local évolue, il est essentiel que les dirigeants investissent davantage, notamment sur le plan financier. La motivation est cruciale. Nous ne manquons pas de talents, mais il faut leur donner les moyens de progresser.

Vous avez certainement suivi les performances du Jaraaf en Coupe CAF. Ressentez-vous un regret par rapport à leur élimination ?

J’ai suivi les matchs du Jaraaf en Coupe CAF, et leur élimination m’a vraiment fait de la peine, surtout dans les dernières minutes de jeu. Nous avons déjà joué en Algérie et affronté cette même équipe, que nous avions battue. Il fait extrêmement froid là-bas, et tout le monde sait que les matchs retour sont toujours difficiles, surtout après ce qui s’est passé à l’aller. J’ai d’ailleurs échangé avec certains joueurs sur les provocations qu’ils ont subies. Mais au-delà de cela, il faut davantage investir dans le football sénégalais si l’on veut obtenir des résultats. Le Sénégal regorge de talents, mais l’accompagnement des clubs est encore insuffisant.

Selon vous, qui a fait défaut au Jaraaf ?

À mon avis, le Jaraaf aurait dû se rendre en Algérie bien plus tôt, peut-être une semaine avant, pour mieux s’acclimater. Ce sont des détails qui comptent et qui peuvent faire la différence. Malheureusement, ils ont perdu en toute fin de match, ce qui est vraiment regrettable. Le football se joue souvent sur de petits détails, et cette fois-ci, ça n’a pas tourné en leur faveur.

Al Hilal est qualifié pour les quarts de finale. Visez-vous le titre ?

Cela faisait plus de trois ans que nous n’avions pas atteint les quarts de finale. Cette année, avec le coach et l’effectif en place, nous nous sommes dit qu’avec l’expérience et la maturité acquises, nous pouvions espérer mieux. D’ailleurs, l’une des équipes que nous avons battues en phase de groupes a réussi à remporter la compétition, ce qui prouve que c’était aussi possible pour nous. C’est dans cette dynamique que nous avons abordé la saison.

10- Qu’avez-vous vécu lors de la guerre au Soudan ? Avez-vous une anecdote à partager ?

(Rires) J’ai vécu des choses… Vous ne pouvez même pas imaginer. J’espère sincèrement que ce sera la dernière fois de ma vie que je traverse une telle épreuve. J’ai connu des moments très compliqués, mais je dis Alhamdoulilah parce que nous sommes croyants et savons que ce genre de situations peut arriver. En plus, la presse sénégalaise a beaucoup alimenté les discussions à ce sujet. On voyait et entendait presque tout ce qui se disait. Une anecdote ? Je me souviens d’une fête de la Korité… Tout le monde célébrait, mais moi, je ne savais même pas que c’était un jour de fête. Je me demandais dans quel monde j’étais… Et puis, le jour de mon rapatriement, je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Wallahi, je me sentais en danger. Heureusement, l’équipe a fait un travail remarquable pour nous mettre en sécurité.

Suivez-vous l’équipe nationale locale du Sénégal, qualifiée pour le CHAN ? Selon vous, quelle est la différence entre votre génération et celle-ci ?

Je suis de près l’équipe nationale locale, et honnêtement, je pense qu’il y a une grande différence avec notre génération. À notre époque, beaucoup de joueurs avaient une solide expérience du championnat local. Il y avait une certaine maturité, et nous disputions aussi de nombreux matchs amicaux pour nous préparer. Mais il faut saluer cette génération, car elle a réussi à se qualifier et à offrir au Sénégal l’opportunité de défendre son titre. Maintenant, il faut redoubler d’efforts, car ce ne sera pas facile. Le Sénégal est l’équipe à battre, tout le monde les attendra au tournant. Mais ce sont des Lions, et nous sommes dans un pays qui regorge de talents. J’ai d’ailleurs entendu le coach Souleymane Diallo dire que le report de la compétition était une opportunité pour mieux préparer son équipe, ce qui signifie que la liste pourrait évoluer. C’est un message pour tout le monde : il faut rester motivé et continuer à travailler, car à tout moment, un joueur peut réintégrer le groupe. La porte est ouverte à tous.

Sénégal vs Soudan au CHAN, qu’est-ce que cela vous inspire ?

Ce ne sera pas un match facile, sincèrement. Les Soudanais sont impatients de se mesurer au Sénégal et sont dans une bonne dynamique malgré l’interruption de leur championnat. La raison ? Une grande partie de leurs joueurs évolue à Al Hilal, qui est presque l’ossature de leur équipe nationale. Ces joueurs participent au CHAN et sont aussi en sélection A. Ils sont donc matures et expérimentés. Il ne faut pas oublier qu’ils ont récemment éliminé le Ghana. Mais comme je l’ai dit, le Sénégal regorge de talents. Il faudra bien encadrer cette équipe pour qu’elle soit à la hauteur du défi.

 Le Soudan devance l’équipe A au classement des éliminatoires pour la Coupe du Monde. Est-ce une surprise pour vous ?

On ne pouvait pas vraiment le prédire, mais c’est une équipe qui travaille beaucoup. Malgré la guerre dans le pays, ils ont su rester performants. Il me semble qu’ils n’ont perdu qu’un seul match, contre le Niger, et doivent encore recevoir le Sénégal. Ce sera donc un gros test pour le Sénégal, et il faudra être prêt.

Ne pensez-vous pas que d’autres championnats bénéficient de plus de visibilité que le vôtre ?

Je suis d’accord que la visibilité est importante dans le football, mais le talent prime avant tout. Alhamdoulilah, ici au Sénégal, nous avons marqué notre empreinte, que ce soit en championnat ou en équipe nationale locale. Donc, en ce qui me concerne, il n’y a pas grand-chose à prouver sur ce point. Je suis titulaire dans mon équipe et je reconnais que certains championnats bénéficient de plus de visibilité. Cependant, la Ligue des champions africaine en offre également une grande. Nous y affrontons des clubs de renom qui comptent de nombreux internationaux dans leurs effectifs.
 Que peut-on retenir du contact avec Bourges de Sadio Mané ?

Oui, j’ai reçu une offre de Bourges, mais nous n’avons pas réussi à trouver un accord. J’aurais pu rejoindre le club de Sadio Mané, qui est une grande fierté pour nous. C’était un honneur d’avoir cette opportunité, d’autant plus qu’il y a une forte communauté sénégalaise là-bas. Pourquoi cela ne s’est-il pas concrétisé ? Je pense que nous n’avons pas réussi à nous entendre sur les détails du contrat. Voilà pourquoi cela n’a pas abouti.

Nb : Ceci est la première partie de l’entretien. L’intégralité sera disponible sur la chaîne YouTube de Wiwsport.

wiwsport.com

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